Allaiter ou ne pas allaiter
Un choix en conscience
Je n’ai jamais fais d’article sur ce blog, au sujet de l’allaitement. Et pourtant cette aventure lactée, qui dure encore aujourd’hui pour moi, a chamboulé et est venue titiller mes croyances, mes limites et à fait avancer autant mon rôle de Maman que de Femme et d’Etre Humaine. Comme le dit Nina narre*, (Je vous parle d’elle plus longuement en fin d’article) « l’allaitement est une invitation au voyage ». Et moi, ce qui m’a fait le plus kiffer au travers de ma maternité c’est justement le Voyage, le plus transcendant qu’il m’ai été donné de faire.
J’ai pris conscience d’abord que j’avais la croyance que pour que je sois libre et que ma vie de maman soit plus douce et agréable, mon bébé devait être pris en charge, par « les autres » et la société et ses soit disant prouesses et avancées technologiques.
Et concernant l’allaitement, cette Liberté et Douceur illusoires, se matérialisaient par le fameux LAIT en Poudre (fabriqué avec le lait destiné aux petits veaux! cherchez l’erreur…) et ses accessoires le BIBERON et La Tétine!! Je pourrais aussi faire des parallèles avec l’accouchement, l’éducation et tant d’autres choses… Car c’est en regroupant mes observations au travers de mes expériences dans tous ces domaines que j’avance dans ma réflexion.
Ce qui me taraude aujourd’hui c’est de détricoter d’où vient cette croyance et en quoi a t elle été au service de notre humanité?? Car elle m’a plus desservie, qu’elle n’a contribué pour moi. Et je pressent qu’en dépit des apparences les femmes, les mères et toute notre société y perdent beaucoup, abandonnent avant même d’avoir essayer, se laissent convaincre que l’allaitement ce n’est pas pour elles, leur corps n’étant pas adapté, ou même le revendique avec une fierté qui, qu’on ne s’y trompe pas est purement culturelle. Ce qui en soit n’est ni bon, ni mal, mais dans ce cas de figure la question revient: est ce que cette fierté culturelle du Non allaitement est au service de l’Humain, et du vivant?
J’ai commencé à trouver des brides de réponses. Notamment dans l’histoire de notre humanité et dans les écrits et recherches d’anthropologues, et les livres de celle qui a contribué à les mettre en lumière: Ingrid Bayot.
Ingrid Bayot, sage-femme résidant au Quebec depuis 1996, dans son livre: Le quatrième trimestre, dresse le bilan à travers les âges et dans notre société contemporaine de ce qui arrive aux mères et à leurs bébés après la naissance. Elle remonte avec finesse et pertinence les traces du passé, les fantômes des tiroirs, dont nous sommes toutes et tous porteurs pour comprendre ce qui se joue aujourd’hui.
Je vous laisse lire le résumé entier de mon retour de cette lecture qui m’a fascinée: Ici!
Mon intuition me dit depuis déjà longtemps (je ne saurais dire exactement quand) que j’avais déjà pressenti des comportements ou des choix sociétales et individuels qui ne collaient pas avec nos vrais besoins physiologiques, ceux qui respectent nos lois** du vivant, comme une sorte de dissonance.
Comme par exemple, ma tante, qui contrairement à ma mère, a allaité ses enfants. Je me souviens de ressentir une rivalité venant de la déception refoulée de ma mère de n’avoir pas réussi ses allaitements. Et à ce souvenir, je colle une remarque de mon père: « oui elle a allaité, mais t’as vu ses seins, ils sont maintenant tout plats et tombants!! » avec une sorte de dégoût dans la voix… Et voilà que je me fabrique dès l’enfance une croyance sur l’allaitement et le désir du corps féminin.
Dans mon expérience personnelle, ce qui m’a amené à valider cette croyance pour moi même, c’est sans doute mes blessures. Blessure d’abandon, d’humiliation… Et j’ai donc récupéré et interprété tout ce qui venait alimenter cette croyance.
Comme: « Il a besoin d’une tétine pour se calmer. Je ne vais pas pouvoir l’allaiter dans un lieu public, il ne faut surtout pas qu’il ai faim quand je sors… Il va se mettre à pleurer et comment le consoler (j’ai pensé ça avec angoisse dans mes toutes premières sorties). Je n’y arriverais jamais, c’est trop dur. Je fume donc je ne peux plus allaiter, car j’empoisonne mon bébé, et je veux continuer de fumer car ça me détend et je veux garder cette liberté. Je vais l’avoir toujours avec moi et je ne peux pas le passer à d’autres (comme son papa, ce qui est devenu sa croyance à lui aussi!)… Je n’ai plus assez de lait, je suis obligé de le complémenter avec un biberon. Il a besoin de se détacher un peu de moi, et ça va me faire du bien d’arrêter l’allaitement. Tout ne reposera plus que sur moi. «
J’ai valider tout ça, et bien d’autres choses inconscientes, quitte à me priver de ce si beau voyage. Je suis persuadé que nous pouvons Voyager tout au long de notre vie et nous sommes près à le faire dès le début. (D’ailleurs quand nous naissons et sans doute même avant…,nous commençons ce beau voyage. Il ne réside pas uniquement dans la maternité…Mais pour moi c’est la maternité qui l’a révélé de nouveau ) Enfant nous sommes câblés et nous avons tout le potentiel pour développer les capacités au « Voyage »: force, motivation, courage, persévérance se développeront avec un environnement bienveillant et respectueux des lois naturelles: Les compétences exécutives. Ces compétences sont essentielles pour atteindre les objectifs que l’on se donne. (CF: Livres et expériences de Céline Alvarez) Si cela n’est pas le cas, une fois adulte nous aurons du mal à dépasser les obstacles. Car oui des obstacles il y en a toujours. Dans le monde du vivant ils sont présents et chaque individu, Etre qui prend vie se doit de les dépasser, les surmonter :
Pour vivre.
La petite tortue qui sort de son oeuf pour rejoindre la mer… C’est l’exemple qui me vient pour faire un parallèle au monde animal. Il y en a tant d’autres.
Alors pourquoi l’Humain cherche à s’en affranchir? L’obstacle, la difficulté, c’est ce qui fait que nous allons nous sentir vivant.
L’obstacle c’est ce qui fait que nous sommes vivant.
Si nous refusons de franchir un obstacle qui se présente, nous mourrons. Symboliquement ou réellement. Du temps où le lait industriel à base de lait de vache n’existait pas, ou que les biberons n’étaient pas encore exemptent de bactéries et suffisamment hygiéniques, soit la mère arrivait à allaiter son bébé et ce dernier arrivait à téter, soit il mourrait, ou souffrait de malnutrition.
On peut valider cette pensée que c’est assez sec et raide comme constat. Et que c’est un asservissement à notre condition animale et naturelle. Et je fais l’observation chez moi et l’hypothèse pour l’humanité que cela nous a amené à nous sentir tellement démuni et dépendant de ces Lois Naturelles du vivant**, de la Nature, des cycles naturels, de la sélection naturelle que pour nous sentir plus en sécurité et libre nous avons opté pour des stratégies que nous croyons plus
stables et libertaire:
La fabrication industrielle d’un lait que l’on achète tout prêt. Ouf!! Nous sommes sauvés! Ils*** en vendent au supermarché du coin.
N’est il pas plutôt là, le véritable asservissement?
Et plus morales:
l’enfant qui nait avec une particularité physique qui lui amène des difficultés (je parle des difficultés surmontables, pas des incapacités à allaiter qui sont rares mais qui existent) à prendre le sein, ou la mère qui, emprunte de ses croyances et limites, se laisse facilement tentée par cette stratégie disponible et sans doute rassurante. Pouvoir nourrir et donc faire vivre, son enfant malgré tout, malgré les difficultés. Son enfant est inclus et préservé au sain de la société qui à su pallier à ses difficultés. Le manque de courage, persévérance, force, motivation de la mère est balayé et devient: Un Choix personnel. Car cela pourrait vite basculer, dans notre société de la honte et du jugement, vers un manquement maternel.
Dans mes moments de grande solitude et d’angoisse, devant mon bébé qui peinait à téter et moi qui souffrais et galerais, je me suis consolée et rassurée avec cette possibilité de la boite toute prête et le biberon safe.
Pour autant, me suis-je sentie être une assez Bonne Mère?
Nous nous inventons un tas d’histoires pour valider nos choix. Sinon ils seraient parfois indigérables. Qu’ils soient un minimum raccord avec nos valeurs. Et si un jour on croise quelqu’un qui nous dit que l’alimentation la plus optimale pour notre bébé est:
Le Lait maternel
Le choix de donner le biberon ne colle pas avec le besoin de prendre soin. Alors on le justifie par un besoin de Liberté, de Douceur et Fluidité pour nous et notre maternité et notre désir de retrouver notre féminité au plus vite. Ou on fustige cette personne en disant qu’elle est jugeante et cupabilisante. On ne se dit pas, peut, ou plus, que cette personne énonce une réalité universelle du vivant. Et nous n’assumons pas un choix contraire à la physiologie.
J’ai affronté mes fantômes, j’ai fouillé mon histoire, j’ai dépassé mes croyances et mes limites, j’ai été cherché du soutien auprès d’amies, d’une conseillère en lactation…
J’ai souffert, ramé, galeré, affronté la peur… Pas en une fois. Il m’a fallu deux expériences d’allaitement.
J’ai accepté le Voyage.
Et je me suis rendu compte que je pouvais aussi être Libre, Femme, vivre la Douceur, au travers de tout ça.
Que si l’on veut la Liberté, on fait le choix de la Vie Et de la Mort.
Plus la mort réelle, mais la mort symbolique de la femme d’avant, de la vie d’avant. Avoir des enfants nous re connecte à la Vie ET fait mourir notre vie d’avant.
La société aussi se raconte des histoires pour valider ce qu’elle fait dans une valeur noble de prendre soin. Mais ces Prouesses technologiques, ne sont elles pas en fait des béquilles et oeillères qui nous maintiennent dans l’ignorance qu’il existe un beau Voyage? Cette société qui ne sait plus comment prendre soin des mères à la hauteur de leurs besoins en Post-partum. Cette société composée d’âmes tour à tour blessées, qui cherchent à compenser pour panser des plaies mais qui choisi des stratégies qui abîment le vivant. Cette société met en avant les Préparations commerciales pour nourrissons (PCN) et range les seins des femmes dans la case sexualité et tabous. Et alors…
Voilà, pour mon premier article sur Mon allaitement et l’allaitement de notre humanité.
*Nina Narre:
Je voulais vous parler également de la réalisatrice cité plus haut: Nina Narre. Elle s’apprête, à l’heure où j’écris cet article, à repartir pour le tournage d’un second film, d’une trilogie: Premiers Moi. Le premier, sortie en 2021, « Faut pas pousser! » résumé par la réalisatrice comme: « Une invitation au voyage de l’enfantement et une enquête sur l’industrialisation de la naissance ». Le second film sera consacré à L’allaitement maternel. Sylvie Fradin de son vrai nom, lance une campagne Ullule pour aider au financement du film.
Voici le lien pour contribuer.
En souhaitant bonne route et beau voyage, courage, persévérance et motivation à Sylvie, (je ne doute pas quelle en ait) pour la réalisation et l’aboutissement de ce projet au service de la Vie et des parents.
** Lois naturelles du vivant:
Expression emprunté à Céline Alvarez.
***Ils:
Les industriels et commerçants de la naissance.